Vincenzo Lancia démarre sa
carrière comme comptable auprès de la firme de cycles Ceirano en 1899, âgé
alors de 18 ans. Il intègre cette entreprise au bon moment puisque au même
moment Ceirano et son ingénieur Faccioli mettent au point leur première
automobile. Peu après la réalisation de ce véhicule, la société est rachetée
par la toute jeune FIAT. Vincenzo Lancia est alors engagé comme pilote
d’essai et ne tardera pas à se forger une réputation hors pair de "metteur
au point". On le dit capable de déceler à l’oreille les moindres défauts
d’une voiture et ses diagnostics seront rarement erronés.
Il devient aussi l’un des
pilotes les plus talentueux du début du siècle. Vedette de l’équipe Fiat
avec son ami Felice Nazzaro, sa combativité, son style généreux et son
intelligence de la course vont le faire entrer dans la légende. C’est
l’époque héroïque des épreuves un peu folles sur routes ouvertes ou des
Grands Prix disputés sur plus de 1 000 km ! Mais de nombreux ennuis
mécaniques l’empêcheront de se bâtir un palmarès à la hauteur de son talent.
Pourtant, ses glorieuses
aventures sportives ne lui suffisent bientôt plus. Agé seulement de 25 ans,
il veut créer ses propres voitures et décide de fonder la Société des
Automobiles Lancia, avec son ami Claudio Fogolin. Les deux hommes
investissent toutes leurs économies dans le projet : 50 000 lires. C’est
peu, mais Vicenzo Lancia y ajoute un capital inestimable d’expérience
technique et son fabuleux potentiel créatif. D’emblée, il veut créer des
automobiles d’exception. Résolument novatrice, la jeune firme dépose ainsi
quantité de brevets touchant aussi bien le domaine des moteurs que celui des
transmissions ou des carrosseries.
La première voiture sort
de la petite usine de Turin en 1907. Un oncle de Vincenzo, professeur de
lettres anciennes, lui suggère de baptiser ce premier rejeton du nom d’Alfa,
le A de l’alphabet grec. Il inaugure une tradition qui perdure encore
aujourd’hui, même si dans les années cinquante les modèles firent plutôt
référence à des héroïnes de l’Antiquité romaine (Flavia, Fulvia…). Chaque
année sera rythmée par le lancement d’un nouveau modèle et, en 1911, la
gamme se décline déjà en Beta, Gamma, Delta, Eta…
C’est en 1922, avec la
Lambda, que la marque va connaître une célébrité mondiale. Elle reste
aujourd’hui le chef-d’œuvre de Vincenzo Lancia, avec des éléments
révolutionnaires comme une carrosserie autoporteuse et une suspension avant
à roues indépendantes. Après ce succès, Lancia élargit sa gamme vers des
modèles moins prestigieux et plus populaires, néanmoins dotés d’une finition
raffinée et de mécaniques brillantes.
Très bien accueillies, ces
voitures propulsent la marque au deuxième rang italien, derrière Fiat.
Malheureusement, Vincenzo Lancia s’est véritablement épuisé à la tâche, il
décède brutalement en février 1937. Il n’aura pas le temps de voir le succès
de l’Aprilia, dernier modèle portant sa griffe, qui assurera avec bonheur la
transition entre l’avant- et l’après-guerre.
Le succès semble pourtant
à nouveau au rendez-vous avec le lancement de l’Aurelia (la première voiture
de série à moteur V6) puis celui de la plus modeste Appia. Les choses
commenceront à se gâter lorsqu’il faudra remplacer ces deux modèles. Le
temps n’est plus aux voitures techniquement trop élaborées et donc trop
chères. L’équilibre financier déjà fragile est de plus mis en péril par
Gianni Lancia, le fils de Vincenzo, devenu président de la firme en 1948,
qui a engagé la marque dans un ambitieux programme sportif.
En 1955, Lancia en
faillite est alors reprise par le groupe Pavesi. Sauvée provisoirement, elle
ne parviendra pas à recouvrer entièrement son prestige. Les nouvelles
Lancia, peu favorisées par une esthétique discutable et une déplorable
réputation de fragilité, se vendent mal. Au milieu des années soixante,
Lancia est à nouveau au bord du gouffre. Ford, désireux de s’implanter en
Italie, s’y intéresse… une initiative peu goûtée par le grand voisin de
Turin.
Fiat se porte alors
acquéreur de la société en 1969, pour une lire symbolique, épongeant par
ailleurs un passif colossal. Pendant les premières années de cette union,
Lancia conserve une certaine autonomie mais avec la première crise
pétrolière, Fiat décide de rationaliser la production et de donner un rôle
précis à chacune des marques constituant son groupe. Dotées de mécaniques
Fiat, puis de plates-formes communes, les Lancia ne sont bientôt plus que
des Fiat luxueuses ou sportives. En dépit d’innombrables succès en rallyes
glanés par les Lancia, Fiat n’a pas su ou pu préserver l’identité de la
marque. Aujourd’hui, avec des modèles insipides et sans grande personnalité,
Lancia apparaît comme le parent pauvre et oublié du groupe Fiat.
Mais les récentes crises
économiques de la Fiat remettent complètement en cause la hiérarchie du
groupe. Une stratégie, aujourd’hui contestée par les puristes, avait établi
qu’Alfa Roméo serait le porte drapeau sportif du groupe, tandis que Lancia
ne produirait que des gammes luxueuses. Fiat pensait ainsi éviter un combat
fratricide entre ses deux filiales à vocation sportive. Fiat veut relancer
Lancia et cela ne pourrait se faire qu’à travers, pourquoi pas, de nouveaux
sacres en rallye…
En effet, Lancia arbore un
palmarès sportif des plus fournis. Déjà aux mains de pilotes privés, les
Lancia Lambda puis Aprilia ont amassé de nombreux succès dans les épreuves
routières avant la Seconde Guerre mondiale. Il faudra attendre 1951 pour
voir une implication directe de la marque turinoise en compétition.
Passionné de courses, Gianni Lancia accorde d’abord le soutien officiel de
l’usine à des équipages privés engagés dans le Tour de Sicile. Les quatre
Aurelia terminent aux quatre premières places. Les dès sont jetés. Après une
seconde place aux Mille Miles, en 1951, puis une victoire à la Targa Florio,
l’année suivante, le fils de Vincenzo Lancia décide de passer à la catégorie
Sport.
Il recrute Vittorio Jano,
l’ingénieur qui créa les fameuses Alfa Romeo P2 et P3. Ce dernier réalise
une barquette animée par un moteur V6 3.3 litres : la D 24. Pilotée
notamment par Fangio, Ascari, Taruffi, la voiture règne sur les saisons 1953
et 1954 en s’imposant à la Targa Florio, aux Mille Miles et en enlevant les
trois premières places de la Carrera Panamericana. Dans le même temps, Louis
Chiron offre la première victoire de la marque au rallye de Monte Carlo en
remportant l’édition 1954 avec une Aurelia. Après ces succès, Gianni Lancia
vise la Formule 1 !
Conçue également par
Vittorio Jano, la monoplace D50 est révolutionnaire, avec notamment ses
réservoirs latéraux et sa boîte de vitesses arrière transversale. Animée par
un moteur V8-2500 cm3 de 260 chevaux, elle aurait pu être une
sérieuse menace pour les invincibles Mercedes. La mort d’Ascari puis les
difficultés financières entravant sa mise au point ne lui permettront jamais
de concrétiser ses ambitions. L’aventure Lancia en Grand Prix se termine en
1955. Les caisses sont vides et tout le matériel est cédé à Ferrari.
Rebaptisée Lancia-Ferrari, la D 50 enlèvera cinq victoires en 1956 et
permettra à Juan Manuel Fangio de remporter son quatrième titre mondial.
Puis vint l’ère de la
Fulvia HF. À l’origine, rien ne prédisposait ce petit coupé très chic à se
tailler un tel palmarès en rallye. Débutant en 1965 par une victoire au
rallye des Fleurs, le futur San Remo où il s’imposera encore trois fois, le
coupé Fulvia va également triompher au RAC (1969/70), au Portugal (1968/70),
en Corse (1967) et enfin au Monte Carlo en 1972. Cette même année, Sandro
Munari sera champion d’Europe des pilotes et Lancia enlèvera le Challenge
International des marques.
La Fulvia eut pour digne
héritière la fabuleuse Stratos. Cette F1 tout terrain a réussi l’exploit
d’enlever trois championnats du monde consécutifs (1974/75/76). Elle s’est
pratiquement imposée partout : Monte Carlo (1975/76/77/79), Suède (1975),
Portugal (1976), San Remo (1974/75/76/78/79), Corse (1974/75/76/79/81) et
Tour de France Auto (1973).
Nettement moins heureux en
circuit qu’en rallye, Lancia remporta néanmoins deux championnats du monde
d’endurance avec le coupé Beta Monte Carlo en 1980 et 1981. L’année
suivante, Lancia récidiva en catégorie prototype avec une barquette LC1. La
suite fut moins glorieuse en 1983 et 1984, où la version LC2 Groupe C fut
régulièrement dominée par les Porsche 956/962.
Il fallu attendre 1985
pour retrouver Lancia en Rallye. Inspirée de sa grande sœur la S4, la Delta
a régné sans partage sur les rallyes en remportant six championnats du monde
consécutifs (de 1987 à 1992) et permis les sacres de Juha Kankkunen (1987 et
91) et de Miki Biasion (1988/89). Dans son impressionnant tableau de chasse
figurent notamment 5 victoires au Monte Carlo (1987/88/89/90/92), 3 au
Safari (1988/89/91), 4 au Portugal (1988/89/90/92), 5 à l’Acropole
(1987/88/89/91/92), 5 en Argentine (aux mêmes dates), 4 aux 1000 Lacs
(1987/88/91/92), 3 en Corse (1989/90/92), 3 au RAC (1987/88/91) et enfin 6
succès consécutifs au San Remo (de 1987 à 92).
|