L'HISTOIRE D'INNOCENTI Cette marque tire son nom de celui de son fondateur, industriel italien dans les années 1930, créateur de la Lambretta et constructeur automobile.
Un grand capitaine d'industrie Fernandino INNOCENTI est né le 1er septembre 1891 à Pescia en Italie, fils d'un forgeron qui ouvrira plus tard plusieurs quincailleries.
Après avoir suivi quatre années d'études techniques, le jeune Fernandino travaille dès 1906 avec son père et son demi-frère Rosolino au sein de la "Ferramenta Innocenti". A 18 ans, il quitte l'entreprise familiale et se lance dans le commerce du fer, principalement récupéré auprès des firmes engagées dans le drainage des marécages. Le fer était alors échangé contre de l'huile et la vente de l'huile générait de gros profits.
En 1920, il commence à expérimenter les possibles applications des tubes de fer et trois ans plus tard, il s'installe à Rome où il projette d'investir un demi million de lires dans le développement de son activité. Malheureusement, la banque où il a déposé son argent est déclarée en banqueroute quelques mois après et Fernandino est contraint de freiner ses ardeurs et de consacrer son temps à récupérer la plus grosse partie de son argent.
Malgré son infortune, il ne se décourage pas et commercialise des tuyaux d'acier sans soudure produits par Dolmine. Avec l'essor économique que connaît le pays, notamment dans le secteur du bâtiment, Fernandino saisit l'opportunité qui se présente en ouvrant en 1926 un entrepôt de tuyaux. Ainsi, naît en 1930 la "Fratelli Innocenti", qui commencera en 1933 la production d'échafaudages à montage et démontage rapide.
En 1931, Fernandino avait également commencé la construction d'un plan d'irrigation des jardins de Castelgandolfo, la résidence d'été du Pape, puis des jardins du Vatican. Il utilisera aussi son brevet d'échafaudages pour la réfection de la Chapelle Sixtine, bien aidé il est vrai par le Comte Desio, neveu de Pie XI, et Leone Castelli, propriétaire de l'entreprise de construction travaillant pour le Vatican.
Les contrats importants alors conclus (notamment la construction de tribune pour les stades de football dans la perspective du championnat du monde de 1934) transformèrent l'entreprise artisanale en véritable compagnie industrielle générant d'énormes profits.
Avec la crise économique qui se profilait, il décida que Milan était plus attractive où il gagna de nombreux contrats là encore avec l'aide de ses amis du Vatican. En 1933, sa société change de nom pour s'appeler "Fratelli Innocenti Società Anonima per Applicazzioni Tubolari in Acciaio" dont le siège est fixé à Rome. Cette compagnie, qui compte deux usines à Rome et Milan et des implantations dans les plus grandes villes d'Italie, diversifie ses activités : échafaudages, construction de pylônes à haute tension, réverbères, barrières, systèmes de canalisations d'eau et de gaz, irrigation, équipements sportifs, systèmes hydrauliques, …
Au début de la guerre, après avoir satisfait à une commande de fourniture d'outillage pour la fabrication de douilles d'obus, Fernandino Innocenti est invité à construire des chaînes entières de montage pour la fabrication de douilles, projectiles et grenades. L'activité de l'entreprise est rapidement intense, mais en 1943 l'usine tombe aux mains des Allemands et Fernandino se retire à Rome. Ce n'est qu'à la fin de la guerre qu'il revient à Milan où il trouve une usine à moitié détruite et des bâtiments qu'ils n'a jamais construits.
Il trouve de nouveaux capitaux en vendant ses actions chez Dolmine et ses petites entreprises, ne conservant que l'usine de Milan. Profitant également de subsides de l'Etat, il entame alors sa reconversion en se lançant dans la production d'un véhicule à bas coût pour des classes ouvrières souhaitant se déplacer rapidement.
Durant la guerre, il avait créé à Rome un bureau technique dont le but était de développer ce qui allait devenir le célèbre scooter Lambretta. Entré en conflit avec Fernandino, son associé d'alors, le Colonel d'Ascanio, sera plus tard employé par Piaggio où il créera la Vespa, concurrente directe de la Lambretta !
La construction de la Lambretta (du nom Lambratte où était produit ce scooter) commence en 1946 et connaît rapidement un immense succès, 60% de la production étant exportés. Mais déjà, Fernandino Innocenti songe à diversifier ses activités…
La production automobile La passion de son fils Luigi pour l'automobile va pousser l'entreprise à étudier la possibilité de se lancer dans cette industrie. Après avoir fabriquer des pièces de carrosserie pour les plus grandes marques, italiennes d'abord (Fiat, Alfa, Lancia), européennes ensuite (Ford, VW), Innocenti entre en contact avec Volkswagen et Renault, puis passe un accord avec l'allemand Glas et acquiert la licence de la Goggomobil. Un prototype sera réalisé, mais Innocenti change de stratégie et se tourne finalement vers la British Motor Corporation (BMC) pour sa véritable entrée dans la construction automobile.
Accord signé le 6 août 1959 entre Innocenti et la BMC
En 1960, un partenariat est ainsi passé pour la production de plusieurs véhicules anglais destinés au marché italien. Le premier véhicule est la A-40 dessinée par Pinifarina, disponible en berline et en break (combinata).
Peu à peu Innocenti revendique son indépendance de création et propose des modèles différents de ceux de la BMC en important des châssis d'Austin Sprite Mark I ("Frogeye"). La carrosserie originale est signée Tom Tjaarda du bureau turinois Ghia et la voiture est habillée d'une toute nouvelle finition intérieure. Elle est construite par OSI, dans les propres installations d'Innocenti.
Ainsi, au premier Salon de Turin en 1960 apparaît la première Innocenti Spider, juste avant que ne sortent les Sprite Mk II et Midget Mk I. A sa sortie, le moteur est le bloc "A" de 948cc. Si mécaniquement peu de choses les différencient des "Spridgets" (filtre à air, distributeur, radiateur…), la finition est plus luxueuse que celle des anglaises : larges portières (les montants des portes sont avancés), vitres montantes et déflecteurs, capote imperméable et facile à poser, chauffage, boîte à gants verrouillable, allume-cigare et cendrier, hardtop en option…
Innocenti 950 Spider
Après une augmentation de la cylindrée à 1098cc (avec modification de la boîte) en 1964 (
Innocenti 1100S) et la sortie d'un coupé fermé en 1967 (
Innocenti 1100C), la production des Innocenti S et C prendra fin en 1970. Au fils des années, plusieurs variantes de finition apparaissent : calandre à lames horizontales, verticales, ou grillagée, volant et klaxon, appuie-tête…La plupart des exemplaires sont destinés au marché italien, mais un certain nombre ont cependant été exportés. On trouve ainsi des Spider avec volant à droite et, pour le marché américain, les pare-chocs étaient munis de butoirs.
Innocenti S 1100
Innocenti C 1100
A noter que les 624 premiers Spider 950cc ont été construits en utilisant les derniers châssis AN5 prévus pour la Sprite MkI ("Frogeye"). Ce n'est qu'après cette "récupération" que le châssis HAN6 des Sprite MkII a été utilisé sur les Spider 950cc. Elle ne recevra pas le moteur 1275cc qui équipera les Sprite MkIV et Midget MkIII. Mais, pour la petite histoire, ce moteur fera le succès de la Mini Cooper Innocenti quelques années plus tard.
De 1963 à 1974, d'autres modèles suivront : I'Innocenti
IM3 et
IM3S, dérivées des berlines Austin & Morris 1100/1300, les Innocenti
J 4,
J 4S et
J 5.
Innocenti IM 3
En 1965, un concept car voit le jour mais n'entrera pas en production : dessiné par Giugiaro, et baptisé
Innocenti 186 GT, ce coupé élégant dispose d'une mécanique 6 cylindres Ferrari de 1788 cc développant 158 ch
Au Salon de Turin de 1965, Innocenti présente la Mini britannique produite encore une fois sous licence. Presque identique à sa cousine anglaise, la
Mini 1001 devient également un succès. Un an plus tard, la version break est lancée sous le nom de
Mini T (comme traveller), en même temps que la
Mini Cooper 1300.
Innocenti 1001
Innocenti T (Traveller)
De 1961 à1970, le nom de Cooper a été intimement associé à celui de l'Austin Mini, à la ville comme en course. Quand British Leyland a cassé son accord en 1970, la Cooper S est devenue banalement la "1275". Mais plus tard, par le biais d'Innocenti, ce nom prestigieux est réapparu pendant trois ans, de 1972 à 1974. L'Innocenti Cooper 1300 est la dernière à y avoir eu droit, jusqu'au rachat de Rover par BMW qui s'appropriera les noms de Mini et de Cooper.
Innocenti a ainsi repris le droit d'utiliser le nom de Cooper sur son modèle sportif, moyennant deux livres sterling par voiture fabriquée.
Outre les Mini "de base", Innocenti sortira en 1970 une Cooper 1000 MK2 (55 ch) dont les vitres des portières (à charnières) étaient coulissantes et dont le tableau de bord comportait cinq cadrans.
Innocenti Cooper 1000 MKII
Les Mini Cooper Innocenti se distinguaient de leurs cousines anglaises par plusieurs éléments spécifiques : extérieurement, les portières étaient munies de déflecteurs, la malle arrière était différente (le logement de la plaque d'immatriculation arrière était carré), les gouttières de toit comportaient une lèvre aux quatre coins, la calandre noire mat était ornée du sigle Cooper, les phares avant et feux arrière étaient de marque Carello et/ou Altissimo, les jantes en alliage de 10 pouces étaient chaussées de Dunlop SP sport…L'intérieur était quant à lui traité de façon plus luxueuse : moquettes épaisses, tableau de bord original et complet avec six manomètres, allume-cigare et témoin de frein à main en série, le volant en cuir de marque Hellebore avec des branches alu à trous et klaxon au centre,…
Sous le capot, on retrouvait le fameux moteur 1275 cc de la Cooper S, mais "dégonflé" à 71 ch (contre 74), chargé d'emmener les 650 kg de l'ensemble, le train avant disposant de freins à disques assistés. Autant dire que la voiture était à son aise et terriblement efficace sur les petites routes sinueuses, avec sa direction très directe et sa mécanique brillante.
A noter que l'Innocenti Cooper 1300 n'a pas été importée en Grande-Bretagne. Sur le plan sportif, outre sa participation en rallye, elle a animé en France le Trophée organisé de 1974 à 1977 par British Leyland dont le premier vainqueur a été le regretté Jean Rondeau. La Cooper laissera la place à la 120L puis à la Metro.
Innocenti Cooper 1300
Le Commendatore Fernandino Innocenti meurt en 1966 et son fils Luigi prend la direction de l'entreprise qui sera rapidement fragilisée par le contexte politique et économique et par les conflits sociaux de 1969 et 1970.
Jusqu'alors indépendant, Innocenti passe en 1972 sous le contrôle de la BMC, devenue British Leyland en 1968. Le constructeur devient alors une simple filiale du géant britannique. En 1974, Innocenti propose en Italie l'Austin Allegro, sous le nom de
Regent.
Parallèlement, pour riposter à la rude concurrence italienne sur le segment, Innocenti décide de modifier complètement sa Mini. Il fait alors appel au carrossier Nuccio Bertone pour dessiner, sous l'autorité de Marcello Gandini, la
Nueva Mini qui sera présentée en novembre 1974 au Salon de Turin.
Si son physique diffère totalement de sa cousine, la nouvelle Mini de Bertone conserve néanmoins toute la mécanique anglaise. Les deux versions
90 et
120 se distinguaient par la présence d'un hayon et d'une surface vitrée importante et par une meilleure habitabilité. Un léger becquet à l'arrière du toit dynamisait l'ensemble de la ligne.
Mais les problèmes financiers ne tardent pas à apparaître du côté de la maison mère britannique. Nationalisé, British Leyland se voit contraint de céder Innocenti en 1975 à l'industriel italo-argentin Alejandro De Tomaso, dont la Pantera (distribuée par Ford) connaît un grand succès aux Etats-Unis. L’état Italien lui accorde un généreux prêt (”don” serait un mot plus approprié) pour qu’il rachète Maserati, les motos Laverda et Benelli, les scooters Lambretta et donc Innocenti. De 61 950 unités en 1971, la production avait chuté à 33 061 en 1975, puis à 12 789 en 1976.
Un an après son rachat, le nouveau propriétaire propose une déclinaison sportive, baptisée "
De Tomaso", avec le moteur 1275cc gonflé à 74 ch (contre 65 pour la 120 équipée du même moteur d'origine britannique).
La "
De Tomaso Turbo" est lancée en 1983, avec le moteur de 993 cm3 de la Mini 3, poussé à 68 ch. La puissance sera ensuite augmentée à 72 ch ce qui permettra au modèle d’atteindre la vitesse de pointe de 165 km/h.
Côté équipements, la De Tomaso Turbo bénéficie d’un volant sport, de larges pare-chocs à l’avant et à l’arrière avec des phares anti-brouillard insérés, d’entourages de passage de roues, des vitres teintées et d’une lunette arrière chauffante avec essuie et lave-glace. Une prise d’air est également ajoutée sur le capot moteur. Le sigle prestigieux De Tomaso orne la calandre, le volant et les jantes des roues.
En 1980, une version plus luxueuse de la 90, baptisée Mille, enrichit la gamme avec de légères retouches esthétiques, notamment au niveau de feux, et identifiable à ses pare-chocs renforcés, et à ses protections latérales. Mais avec la fin des accords avec British Leyland, Innocenti est contraint de chercher de nouveaux réseaux de distribution.
Après avoir approché le constructeur de motos Guzzi, Innocenti se lie avec le japonais Daihatsu, filiale de Toyota, pour lui fournir des moteurs. C'est ainsi qu'est lancée la
Mini 3 au printemps 1982, avec un nouveau moteur 3 cylindres de 993 cc développant 52 ch (soit 3 de plus que sur les 90 et Mille. Pour sa distribution, Innocenti se tourne au niveau français vers le réseau France Motors, déjà importateur des automobiles Mazda.
Mini 3
Pendant les année 1980, la gamme ne cessera de se diversifier avec le lancement de plusieurs versions : un moteur diesel (en 1984), une automatique (Minimatic), une "société" et des moteurs de plus en plus réduits sur les modèles 650 puis 500 (de 31 ch), tout en conservant la même esthétique. En 1986 pourtant, la marque propose une Mini allongée de 21 cm, baptisée 990, reprenant le moteur (essence et diesel) de la Mini 3. A l'exception de la face avant modernisée, la carrosserie demeure identique à la Mini 3.
Avec un modèle quasiment inchangée pendant 15 ans, Innocenti va voir ses ventes inexorablement diminuer, au point de flirter à la fin des années 1980 avec le seuil symbolique de 10 000 unités. De Tomaso est alors contraint de vendre sa filiale à Fiat en décembre 1989. Au catalogue ne subsistent que la 500, la De Tomaso et la 990, l'importation en France étant suspendue.
Plutôt que d'investir et de chercher à remplacer la Mini, le constructeur turinois préférera laisser mourir à petit feu le modèle. La dernière Mini Innocenti sort des chaînes de l'usine milanaise au début de 1993, l'usine historique de Lambrate fermant ses portes en mars de la même année.
La marque Innocenti ne servira plus que de prête-nom et sera utilisée pour rebadger des Fiat brésiliennes,
Elba et
Mille, dérivées de la Fiat Uno et la Zastava Yugo 45/55, devenue Innocenti
Koral. La marque diffusera aussi sur le marché italien de petits fourgons assemblés par Piaggio sous licence Daihatsu, les Porter, avant de disparaître totalement en 1997.
La Fiat Elba était fabriquée par le constructeur italien pour le marché d'Amérique du Sud, dans ses usines d'Argentine et du Brésil, à partir de la fin de l'année 1987. Berline commerciale de type break, elle était la version commerciale et familiale de la Fiat Duna, construite dans ces mêmes pays depuis 1986. Elle reprenait la base de la Fiat Uno, mais dans une version adaptée aux conditions locales.
Présentée au mois de février 1987, à l'origine pour satisfaire à la demande des marchés argentins et brésiliens d'une voiture avec coffre, la Fiat Duna remplaçait la Fiat 127 dans ses versions Brio et Panorama. La version familiale de la Fiat Duna a existé sous le nom de Duna SW.
Disponible avec trois moteurs : deux à essence et/ou alcool de 1116 et 1301 cm3 et un diesel de 1697 cm3, elle connu un succès honorable dans les pays où elle fut exportée. Il faut signaler que ce modèle ne fut jamais construit avec conduite à droite.
Au mois de Juillet 1991, ayant décidé d'interrompre la commercialisation de la gamme Duna en Europe sous son nom, Fiat la distribua sous la marque Innocenti, sous le nom de Innocenti Elba. Elle sera fabriquée encore pendant quelques années en Argentine et au Brésil jusqu'en 1999 et distribuée sous le nom de Fiat Premio.
Innocenti Elba
En 33 années d'existence, Innocenti avait produit un peu moins d'un million d'automobiles, les plus belles années en terme de volume se situant en 1971 et 1972.