1. Enzo Ferrari à l'origine du projet
Enzo Ferrari était à l'origine du projet de l'ASA 1000 GT. Il avait personnelle-
ment sollicité Bertone pour l'étude d'un coupé à deux places, à tendance spor-
tive, destiné à recevoir une motorisation étudiée chez Ferrari dont la cylindrée
serait inférieure au 1000 cm3. Le cahier des charges stipulait que la faible
puissance du moteur devait être compensée par une étude aérodynamique
poussée.
2. Une voiture sans marque
Le fruit de cette étude fut exposé au salon de Turin de 1961 sur le stand
Bertone. Giotto Bizzarini , le père de la Ferrari GTO, avait dessiné le châssis
tubulaire et les suspensions. Le style de la carrosserie était l'oeuvre du jeune
Giorgietto Giugiaro, alors âgé de 23 ans, qui travaillait pour Bertone depuis 1959.
Les visiteurs du salon purent admirer cette nouveauté, mais celle ci ne portait
les couleurs d'aucun constructeur. Seul figurait sur le capot un monogramme
avec l'inscription " Mille ".
3. Le commendatore change d'avis
On peut s'interroger sur les raisons qui incitèrent Ferrari à se lancer dans un
tel programme. Peut être souhaitait il simplement démocratiser sa gamme, en
imaginant une voiture susceptible de séduire un public plus jeune, moins fortu-
né que sa clientèle traditionnelle. Toujours est il que Ferrari changea d'avis, et
nia par un communiqué de presse quelques jours avant le salon de Turin de 1961
toute implication dans ce projet.
4. La création d'ASA
Ne souhaitant donc pas en définitive s'investir dans la production en série de
cette petite voiture, Enzo Ferrari en vendait les droits de fabrication à un
industriel de la chimie, la société Oronzo de Nora. C'est le fils de De Nora,
Niccolo, qui devenait président de la société Autocostruzioni Societa per
Azione, autrement dit ASA, spécialement créée pour la circonstance, en
avril 1962.
5. La 1000 GT a enfin un nom
Le modèle définitif baptisé ASA 1000 GT fut exposé au salon de Turin en 1962.
Cette Ferrarina (le surnom donné par les journalistes) était équipée d'un 4 cy-
lindres de 1032 cm3 qui développait 97 ch. Longue de 3,88 mètres, elle présen-
tait des lignes typiquement italiennes, avec un museau très fin et un arrière
fuyant avec de petits feux rouges tout ronds.
L'accord entre Ferrari et ASA stipulait que le nom ou les couleurs de Ferrari
ne devaient pas être visibles de quelque manière que ce soit, en échange de quoi
ASA avait toute liberté pour commercialiser la voiture. Le contrat précisait par
ailleurs que Bertone avait la charge de la production des carrosseries.
6. Une industrialisation laborieuse
Les pièces constituant la mécanique provenaient de chez Ferrari et d'un autre
sous traitant. L'assemblage de ces pièces était confié à une troisième entrepri-
se. Tout ce beau monde peinait à suivre la cadence, et à obtenir la puissance
annoncée d'un aussi petit moteur.
Cette mécanique de faible cylindrée n'était pas vraiment dimensionnée pour su-
bir de longs efforts. Les premiers clients essuyèrent les plâtres de cette mise
au point insuffisante, et cela nuisait encore un peu plus à l'image fragile d'ASA.
La presse spécialisée s'en donnait à coeur joie, en suivant les douloureuses pé-
régrinations de la jeune fabrique automobile.
7. Bertone puis Ellena à la rescousse
La production démarrait chez Bertone en 1964, au rythme d'une voiture par
semaine. Après avoir fabriqué sept exemplaires, le carrossier turinois, à bout
de patience, abandonnait l'affaire. ASA confiait alors la réalisation des carros-
series à la société Ellena. Mais malgré les nombreuses qualités de la 1000 GT,
les ventes ne décollaient pas.
8. Au final, un flop !
Au final, et malgré les tentatives de diversification de la gamme (version Spider
1000 et version compétition 1000 GTC), ASA ne réussissait pas à vendre plus de
120 voitures en quatre ans d'activité, bien loin des objectifs initiaux qui tablaient
sur plus de 1000 voitures par an.
Les coûts de production élevés nécessitaient de positionner l'ASA à un prix de
vente excessif pour sa catégorie, ce qui ne pouvait que freiner sa diffusion face
à une concurrence mieux organisée sur le plan industriel. L'auto devenait ASA
411 en 1965 puis ASA 613 en 1966, mais elle perdait avec ces changements de
dénomination sa mécanique et son dessin d'origine.
9. Le déni de la firme au cheval cabré
Si Ferrari a toujours assumé avec fierté la production des spiders et coupés
Dino à vocation plus démocratique entreprise avec la collaboration du géant Fiat,
la firme au cheval cabré a préféré tirer un trait définitif sur l'épisode peu re-
luisant de l'histoire d'ASA.
Par Jean Michel Prillieux